Titre: De la SST pour emporter!

 

Episode #127: Un milieu de travail favorable à la santé mentale

 

 

Introduction:  Bienvenue à “De la SST pour emporter”, une présentation du Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail.

Hôte: Merci de vous joindre à nous pour cet épisode de la série « De la SST pour emporter! ». La création d’un milieu de travail propice à la santé mentale peut avoir des effets positifs à l’échelle d’une organisation. Nous nous entretenons aujourd’hui avec Emma Nicolson, spécialiste de la santé et de la sécurité au travail ici-même au Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail, qui nous expliquera ce que signifie la santé mentale au travail et ce que les organisations peuvent faire pour instaurer une culture psychologiquement saine.

Merci de vous joindre à nous aujourd’hui, Emma.

Emma: Merci beaucoup de m’avoir invitée.

Hôte: Commençons par les principes de base. Qu’est-ce que les personnes qui nous écoutent doivent savoir sur la santé mentale?

Emma: Lorsque nous parlons de santé mentale, nous ne parlons pas seulement d’absence de troubles mentaux. Le terme « santé mentale » fait maintenant assurément partie de notre vocabulaire, et nous parlons de plus en plus de ce sujet dans les ordres du jour, au travail, les gens en parlent dans les journaux, à la maison, à l’école, c’est génial, et nous sommes réellement en train de briser les préjugés qui l’entourent.

Une bonne santé mentale est en grande partie liée à notre capacité de composer avec nos activités habituelles et d’y contribuer, et un état normal peut être différent pour vous que pour moi, mais c’est notre capacité à faire face. Notre résilience, notre capacité à nous ressaisir lorsque nous nous heurtons à ces inévitables obstacles sur la route. Et souvent, notre réaction et notre réponse face aux situations nous sont propres. Ce qui peut vous stresser ou susciter chez vous un, je ne dirais pas un préjudice mental, mais un défi en matière de santé mentale, sera différent, car tout dépend de nos expériences passées et de notre perception de la situation. Et lorsque nous examinons le cas des lieux de travail, certains facteurs en milieu de travail sont reconnus comme ayant un impact sur la santé des personnes.

Hôte: Quels sont ces facteurs en milieu de travail?

Emma: Il y en a 13 en fait. Il y a 13 facteurs reconnus comme ayant une incidence sur la santé mentale des travailleurs, et ce, de manière positive ou négative. Nous les appelons souvent des facteurs de risque psychologiques.

Certains de ces facteurs sont une bonne gestion de la charge de travail, le fait d’avoir un rôle clair et des attentes précises quant à ce que vous devez faire sur le lieu de travail. Chaque jour, lorsque vous venez au travail, vous savez ce que l’on attend de vous, et vous savez que vous vous trouvez dans un lieu de travail où votre santé psychologique et votre sécurité physique sont protégées. Vous n’avez pas à vous soucier de problèmes liés aux mécanismes de protection, de préoccupations liées au bruit ou de problèmes ergonomiques. Ces facteurs sont donc présents et doivent être évalués et considérés de manière équitable lorsqu’il s’agit des risques physiques que vous encourez.

Hôte: Bon, pourquoi devons-nous nous préoccuper de la santé mentale en milieu de travail?

Emma: Nous avons tous entendu parler des statistiques et nous savons qu’un travailleur sur cinq au Canada aura un problème de santé mentale dans une année donnée. Il s’agit d’une des principales causes de demande d’invalidité, un demi-million de travailleurs s’absenteront du travail. Cette raison à elle seule justifie donc notre intervention. L’impact est énorme pour les personnes touchées, mais aussi pour ceux qui s’occupent de ces personnes. C’est donc comme une onde dans l’eau d’un étang, si vous voulez, et ces personnes ont aussi besoin de soutien.

L’incidence des questions de santé mentale est donc énorme. Lorsque vous avez des personnes sur un lieu de travail, qu’elles sont confrontées directement ou indirectement à ces défis, cela peut avoir des conséquences sur la productivité, la sécurité, les coûts, le moral. Nous souhaitons nous attaquer à ces problèmes et aussi créer un environnement de soutien, afin d’offrir un lieu de guérison pour les personnes susceptibles d’être confrontées à des difficultés.

Hôte: Y a-t-il d’autres défis potentiels auxquels les entreprises sont confrontées lorsqu’elles traitent de la question de la santé mentale en milieu de travail?

Emma: Comme pour toute initiative ou tout projet que vous mettez en place, il y aura des défis à relever. C’est pourquoi il est important de toujours faire une évaluation approfondie avant de se lancer. Les défis habituels sont le temps et les ressources, les préoccupations financières, les autres priorités concurrentes dans le lieu de travail. Il est donc important de ne pas agir de manière isolée. Il est important de faire participer d’autres intervenants pour s’assurer d’accorder à la santé mentale l’accorde qu’elle mérite. Car avec la santé mentale, contrairement à l’introduction d’une initiative en matière d’ergonomie ou d’une nouvelle mesure de protection pour une machine, et bien il existe une nouvelle dimension avec la santé mentale et les facteurs de risque psychologiques, en raison de la stigmatisation associée à la maladie mentale, à la divulgation de la santé mentale en milieu de travail et aux discussions à ce sujet.

Pour surmonter certains de ces défis, il est important de traiter les risques psychologiques de manière aussi équitable que possible et de mettre en place des mécanismes de contrôle et des mesures de prévention. Donc adopter des politiques, prévoir de la formation et créer une culture de travail axée sur le respect et le travail d’équipe, cela constitue un bon moyen de créer un environnement de travail favorable.

Il faut partir du sommet et créer une culture qui soit favorable à la santé mentale et examiner le travail sous l’angle psychologique. Ainsi, nous ne nous contentons pas d’examiner comment les choses influent sur la production ou sur la qualité de notre situation, nous examinons aussi l’impact sur les gens.

Hôte: Créer une culture propice à la santé psychologique. Un tel type d’environnement de travail favorable est-il réellement possible? Dans ce cas, à quoi ressemblerait-il?

Emma: Vous semblez un peu cynique Chris; je ne vais pas vous mentir. Mais oui, je crois que c’est possible. Tous les lieux de travail ont le potentiel de devenir une source de soutien. Mais il s’agit de faire évoluer le dialogue dans le milieu de travail, de créer un espace sécuritaire où l’on peut parler ouvertement et obtenir le soutien des autres. Nous voulons un lieu où les gens se sentent non seulement en sécurité sur le plan physique lorsqu’ils vont travailler, mais aussi sur le plan psychologique.

En créant un tel environnement où les gens se sentent soutenus, cela signifie, si l’on suppose par exemple que vous avez eu une mauvaise journée ou une mauvaise nuit et que vous avez du mal à gérer certaines choses à la maison, que vous serez à l’aise de venir au travail et de dire à votre gestionnaire ou même à votre collègue de travail : « Je suis aux prises avec un problème en ce moment. J’ai besoin d’aide pour ma charge de travail. J’ai besoin d’aide pour établir des priorités ». Et vous savez que vous ne serez pas marginalisé ou pénalisé pour avoir eu cette conversation courageuse. 

Et l’autre façon dont le milieu de travail peut être un soutien est de s’assurer de faire en sorte que les gestionnaires connaissent leur personnel et leurs employés afin de pouvoir déceler tout changement de comportement et qu’ils se sentent à l’aise et épaulés pour aller parler à un employé et lui dire « Est-ce que ça va ? J’ai remarqué un changement dans ton comportement. Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour t’aider? ». Et vous réalisez alors que le travailleur peut ne pas parler ouvertement avec vous la toute première fois, mais qu’à force de dialoguer, d’établir cette confiance et cet espace favorable, les gens viendront à vous et échangeront avec vous.

Je voudrais juste souligner quelques points étant donné que nous discutons du stress, et que nous en parlons souvent en termes négatifs. Mais le stress peut en fait être une bonne chose. Ainsi, lorsque vous avez un environnement de travail très dynamique, axé sur le travail d’équipe et l’atteinte d’objectifs, et que vous travaillez tous ensemble, cela peut être très positif, et vous permettre de sortir de votre zone de croissance et d’apprendre beaucoup sur vous-même, de vous épanouir et de vous perfectionner. Mais c’est lorsque nous sommes contraints de maintenir une situation stressante ou que nous sommes coincés dans une situation de stress permanent que cela devient négatif et peut avoir des effets néfastes sur la santé.

En s’attaquant à ces facteurs psychologiques, aux 13 facteurs que j’ai mentionnés, nous pouvons créer ce lieu de travail dynamique où l’on se soucie des autres et où on les soutient, et dès lors il ne s’agit même plus de santé mentale, il s’agit d’un leadership et d’une culture organisationnelle positifs.

Hôte: Que recommandez-vous de faire pour intégrer la santé mentale dans un lieu de travail ou dans un programme de santé et de sécurité déjà existant?

Emma: Il est probable que vous ayez en place un programme classique de santé et de sécurité, qui permet de s’attaquer aux problèmes d’ordre biologique, de bruit ou d’ergonomie. Intégrer la santé mentale à votre lieu de travail signifie examiner vos pratiques actuelles. Mobiliser votre comité de santé et de sécurité et examiner votre processus d’évaluation des risques. Ensuite, vous adaptez votre programme de santé et de sécurité et vous en faites un programme plus complet. Ce type de programme portera sur la sécurité psychologique, la sécurité physique. Il portera également, dans une certaine mesure, sur le bien‑être et les ressources de santé personnelles, et examinera également la question de l’engagement communautaire.

Ce type de programme de santé et de sécurité est très intégré et vous disposez de multiples voies d’influence pour traiter de la santé mentale. Étant donné que nous adopterons la même approche que celle concernant la santé et la sécurité traditionnelles, nous chercherons à utiliser la même méthodologie, donc vous allez prendre conscience du risque et reconnaître la nécessité d’agir et de faire quelque chose. Vous allez évaluer, donc faire l’inventaire de ce que vous avez déjà mis en place. Vous allez faire une analyse des lacunes et faire participer les intervenants à tous les niveaux – le syndicat, les travailleurs, le comité de santé et de sécurité, vos professionnels de la santé et de la sécurité, la direction. Si nécessaire, vous vous renseignerez probablement auprès de votre contact externe, vous examinerez les données de votre programme d’aide aux employés, et c’est un bon repère pour l’évaluation.

Tout au long de ce processus, vous devez communiquer, faire savoir aux gens pourquoi vous faites tout cela, et ce que vous comptez faire des résultats après les avoir obtenus des gens. Vous pouvez effectuer des enquêtes et demander aux gens ce qu’ils pensent des risques psychologiques sur leur lieu de travail. Et bien sûr, une fois que vous avez recueilli toutes ces données, vous devez en faire quelque chose. Et c’est à ce moment-là que nous devons commencer à élaborer notre plan d’action et à mettre en place des mécanismes de contrôle. Là encore, comme dans le cas d’un programme classique où l’on met en place une mesure d’ingénierie au lieu d’un dispositif de protection ou d’une enceinte pour une machine, vous allez mettre en place une mesure d’ingénierie visant l’ensemble de l’organisation, pour créer un environnement de travail sain.

Et puis bien sûr, comme pour tout autre programme et toute autre initiative, vous allez faire un suivi et évaluer vos résultats au fil du temps.

Hôte: D’autres réflexions ou messages à nous communiquer?

Emma: Il est important de dresser la liste de ce que vous avez déjà. Vous gérez probablement un grand nombre de ces facteurs de différentes manières et vous vous réjouissez de cela, c’est important.

Comme je l’ai dit, je vous encourage à aller sur notre site Web cchst.ca et à examiner les 13 facteurs. Vous aurez une idée et un aperçu de ce qu’ils signifient. Examinez votre programme actuel d’évaluation des risques et les occasions d’examiner les risques psychologiques. La Norme nationale sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail est un très bon cadre, un bon outil pour gérer les facteurs en milieu de travail, elle offre une certaine structure. Mais il n’est pas nécessaire d’adopter la norme pour s’occuper de la question de la santé mentale en milieu de travail.

Et puis également, enfin, il est important de participer et de se rappeler que nous sommes tous dans le même bateau - le comité de santé et de sécurité, les travailleurs et les directeurs, nous avons tous un rôle à jouer et il est important de faire participer tout le monde, afin que nous ayons tous le sentiment de progresser vers la création d’une culture axée sur la sécurité, le soutien et l’entraide, et de créer un lieu de travail où nous pouvons tous nous sentir en sécurité et heureux d’aller chaque jour.

Hôte: Merci encore de vous être jointe à nous aujourd’hui, Emma. Vous avez exprimé beaucoup d’idées, de suggestions et de points de vue sur les moyens de soutenir la santé mentale et psychologique en milieu de travail. Comme Emma l’a mentionné, vous trouverez davantage de renseignements et de ressources sur ce sujet sur le site www.cchst.ca. Merci à tous de votre attention.