Titre : Santé et sécurité pour emporter!

 

Nom de fichier de l’épisode #142 : Journée de deuil : histoire de Charmaine Salter

 

---------------

Introduction : Bienvenue à « De la SST pour emporter », une présentation du Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail.

Hôte : Merci de vous joindre à nous pour cet épisode de Santé et sécurité pour emporter! Notre invité d’aujourd’hui est Charmaine Salter de Threads of Life. Le père de Charmaine Salter, Ronald Garland, était électricien et a été exposé à l’amiante à plusieurs reprises tout au long de sa carrière. Ron a reçu un diagnostic de mésothéliome et est décédé à l’âge de 75 ans. Charmaine est ici aujourd’hui pour raconter son histoire personnelle afin de contribuer à la sensibilisation à l’importance de la sécurité au travail. Merci d’être avec nous aujourd’hui, Charmaine.

Charmaine : Je vous remercie de m’avoir invitée.

Hôte : Pourriez-vous raconter votre expérience à nos auditeurs?

Charmaine : Certes. Mon père Ronald Garland a reçu un diagnostic de mésothéliome en juin 2011. Il a d’abord remarqué une toux persistante peu après Noël, et quand cette toux a persisté jusqu’en mars, son médecin l’a envoyé pour une radiographie pulmonaire. Au moment de sa radiographie pulmonaire, ils ont repéré quelque chose sur son poumon, alors ils lui ont fait passer d’autres tests. Son médecin l’a alors rappelé à son bureau, où j’ai accompagné maman et papa, et quand ils sont sortis du bureau, papa nous a demandé de le suivre à l’extérieur. Donc, nous sommes sortis et papa a dit qu’ils avaient trouvé un cancer, ce qui été un choc pour nous, car nous ne nous attendions pas à cela.

Il a dit qu’à ce stade, le cancer pouvait être atténué, mais qu’il était incurable. Papa est allé faire une autre radiographie et j’ai fini par appeler ma sœur, depuis la petite ville de Wolfville, pour lui dire que papa venait de recevoir un diagnostic de cancer. J’ai pleuré dans la rue de Wolfville, et elle a pleuré chez elle. C’est ainsi que tout a commencé. 

À partir de là, il a subi plus de tests. Il a ensuite reçu un diagnostic de mésothéliome, qui avait été causé par une exposition répétée à l’amiante. On lui a annoncé qu’il avait de deux à quatre mois à vivre. Tous les membres de la famille étaient très bouleversés par ce diagnostic. Papa était une personne très saine, joyeuse, festive, qui aimait sa famille et ses amis. Il était très actif au sein de nombreux comités. Il adorait jouer de la musique. Il possédait une guitare Gibson, que lui et maman avaient achetée quand ils se sont rencontrés pour la première fois, et il avait continué d’en jouer. Quand il a reçu le diagnostic, nous ne savions même pas de quoi il s’agissait. Nous n’avions jamais entendu parler d’un mésothéliome, et le fait de découvrir qu’il s’agissait d’une maladie professionnelle causée par l’amiante nous a fait tout un choc.

Papa avait été exposé à l’amiante au travail, lorsqu’il était électricien, alors qu’il travaillait dans des espaces confinés, avec des tuyaux isolés, sur de vieux navires et dans de vieux bâtiments. C’était donc tout un choc et, même après reçu son diagnostic, papa croyait qu’il serait peut-être la première personne à vaincre cette maladie. Il a essayé tous les remèdes possibles. Ma sœur et moi, tu sais, avions cherché partout. Il a essayé la naturopathie. Quand il est allé voir son chirurgien, le chirurgien l’a regardé, et lui a dit qu’il ressemblait à un homme, et qu’il était indiqué ici qu’il était un homme de 74 ans. Papa lui a répondu oui, monsieur. Le médecin a dit qu’il ne faisait pas son âge et qu’il ressemblait à un homme de 60 ans. Le médecin a dit que papa n’était pas encore prêt à mourir et papa a répondu non, monsieur. Malheureusement, tout ce que le médecin pouvait faire était de lui donner des soins palliatifs. Il n’existe aucun moyen de guérir le mésothéliome.

Il a continué à travailler à la maison et à faire tout ce qu’il pouvait, et à l’heure où il était confronté à la mort, il choisissait de vivre. Il a continué à jouer de la guitare. Lorsqu’il a eu 75 ans en août, nous avons organisé une grande fête pour lui, et il a beaucoup apprécié, mais du même coup, c’était déchirant parce qu’il s’agissait probablement de la dernière fête de papa. Notre famille a été bouleversée par la perte de papa. Nous continuons à essayer de vivre notre vie du mieux que nous le pouvons. Et ma mère, papa était son âme sœur. Ensemble, ils étaient si actifs, et quand tu regardais maman, tu voyais papa. Ils allaient danser, ils avaient beaucoup d’amis qu’ils invitaient souvent, les étrangers devenaient souvent des amis, et les amis devenaient des membres de la famille, et nous avons grandi dans un foyer très heureux.

Papa a toujours été un travailleur acharné. Papa était très fier de subvenir aux besoins de sa famille, et il était difficile de croire en pensant à cet homme qui allait au travail tous les jours avec un sourire sur le visage, enfin d’apprendre 50 ans plus tard qu’il avait respiré ces fibres mortelles tandis qu’il était occupé à vivre sa vie et que, tout d’un coup, il découvrait qu’il avait une maladie liée à l’amiante.

Hôte : Pourquoi pensez-vous qu’il est important de soutenir les familles qui ont été touchées par une tragédie au travail?

Charmaine : Chaque fois que j’ai assisté à un événement de Threads of Life, que ce soit pour la formation, le forum des familles ou la marche « Un pas pour la vie », on entendait et ressentait le chagrin des gens. Les gens sont brisés : ils ont été touchés par des blessures, des maladies ou des accidents mortels au travail qui ont changé leur vie. Nous apprenons tous à vivre avec une grande perte dans notre vie. Nos proches ne nous quittent jamais. Nous essayons de retrouver un semblant de vie normale, et Threads of Life constitue un endroit sûr pour les gens qui ont souffert d’une tragédie au travail. Il y a beaucoup de larmes : elles peuvent exprimer la colère et la frustration. C’est, tout simplement, une bonne organisation lorsque vous vivez une période difficile. C’est pour cette raison que je crois qu’il est très important de soutenir les gens qui ont vécu une tragédie au travail.

Hôte : Si vous pouviez donner un conseil aux gens au sujet de la sécurité au travail, quel serait-il?

Charmaine : Je dirais d’ouvrir l’œil. Si quelque chose semble dangereux ou si vous vous demandez si le matériau d’un objet particulier pourrait contenir de l’amiante, ou si ce que vous devez faire n’est simplement pas une chose sécuritaire, abstenez-vous. Vous avez le droit de refuser de faire un travail dangereux. Vous avez beaucoup de proches qui vous attendent à la maison, et nous voulons que tout le monde rentre à la maison en sécurité.

Hôte : Je vous remercie. En guise de conclusion, avez-vous des réflexions supplémentaires dont vous souhaitez nous faire part?

Charmaine : Oui. Je veux dire que, lorsque je parle, c’est pour sensibiliser et éduquer les gens à l’importance de la sécurité au travail, et prévenir les tragédies. En ce qui me concerne, il n’y a pas de quantité sûre d’amiante : c’est une substance mortelle. Si je peux empêcher une personne d’être affectée par le mésothéliome ou l’amiante, mon père ne sera pas mort en vain. L’amiante est un cancérogène mortel et, partout dans le monde, on constate que son incidence augmente. Quand papa a reçu son diagnostic de mésothéliome en 2011, le médecin a qualifié ce cancer de rare. Aujourd’hui, à peine sept ans plus tard, il s’agit de la principale cause de décès en milieu de travail, non seulement au Canada, mais partout dans le monde. Il faut que ça cesse.

Hôte : Je vous remercie, Charmaine.

Charmaine : Je vous en prie.

Hôte : Charmaine Salter est porte-parole de Threads Of Life, un organisme qui aide les familles touchées par une tragédie en milieu de travail tout au long de leur cheminement vers la guérison, en offrant des programmes et des services de soutien familial uniques. Chaque année, des milliers de personnes partout au Canada participent à la marche « Un pas pour la vie », une collecte de fonds qui suit le Jour de deuil national et qui donne le coup d’envoi à la Semaine nord‑américaine de la santé et de la sécurité au travail.

Pour obtenir plus d’information, consultez les sites Web www.stepsforlife.ca et www.cchst.ca. Merci à tous d’avoir écouté.