« Identifying and Monitoring Trends in Occupational Disease »
Intro : Ce balado est une présentation du Centre canadien d'hygiène et de sécurité au travail.
Chris :
Bonjour et bienvenue aux balados du Centre canadien d'hygiène et de sécurité au travail (CCHST). Les maladies professionnelles sont des problèmes de santé, comme le cancer, les troubles musculo-squelettiques et les maladies respiratoires, qui sont causés par une exposition à des substances ou à des environnements dangereux en milieu de travail ou dans le cadre d'activités professionnelles.
La reconnaissance et la prévention des maladies professionnelles, qui comportent des défis uniques, reposent sur l'élimination ou la réduction des expositions aux dangers et sur la maîtrise des risques.
Aujourd'hui, nous nous entretenons avec Paul Demers, directeur du Centre de recherche sur le cancer professionnel et professeur à l'école de santé publique Dalla Lana de l'Université de Toronto, au sujet des maladies professionnelles ainsi que du travail que lui et son équipe effectuent pour cibler et surveiller les tendances des maladies liées au travail.
Bienvenue, professeur Demers.
Paul Demers :
Bonjour, merci de m'accueillir ici aujourd'hui.
Chris :
Qu'est-ce que le Centre de recherche sur le cancer professionnel?
Paul Demers :
Nous sommes un centre de recherche au sein de Santé Ontario, un organisme provincial ici en Ontario, et nous sommes financés par le ministère de la Santé et par le ministère de la Formation professionnelle et du Développement des compétences.
Bien que nous nous appelions le Centre de recherche sur le cancer professionnel, notre travail est en réalité beaucoup plus large que cela. Nous nous intéressons à un large éventail de maladies professionnelles. Nous sommes les seuls au Canada à effectuer des recherches sur les causes des maladies professionnelles et leur prévention. Nous suivons également les modèles et les tendances grâce à notre programme de surveillance.
Bien que nous soyons principalement axés sur l'Ontario, nous travaillons avec des chercheurs de tout le Canada et du monde entier sur une grande variété de projets différents.
Chris :
Qu'est-ce qu'une maladie professionnelle?
Paul Demers :
En gros, une maladie professionnelle est un problème de santé causé par l'exposition à des dangers sanitaires sur le lieu de travail, notamment des produits chimiques, des agents physiques, des agents biologiques, des dangers psychologiques comme le stress, ainsi que d'autres facteurs comme le travail de nuit. Certaines maladies rares sont uniquement causées par le travail. C'est le cas du mésothéliome causé par l'amiante et de la silicose, qui est, bien sûr, uniquement causée par la silice. Toutefois, la plupart des maladies professionnelles sont des maladies plus courantes dont les causes sont diverses et incluent le travail.
Chris :
Avez-vous une idée des répercussions des maladies professionnelles sur la main-d'œuvre?
Paul Demers :
Oui, les répercussions sont bien plus importantes que ce que les gens pensent généralement. Par exemple, lorsque nous pensons aux maladies pulmonaires, nous pensons souvent aux cigarettes, au tabagisme et à d'autres facteurs, mais il est important de savoir qu'environ 15 % de tous les cancers du poumon sont causés par des facteurs liés au travail et qu'il en va de même pour la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) et l'asthme. Vous savez, de nos jours, le cancer du poumon est le cancer mortel le plus fréquent au Canada, la MPOC est la quatrième cause de décès et l'asthme touche 10 % de tous les adultes canadiens. Donc, quand on parle de 15 % de chacun de ces cas, cela fait vraiment beaucoup de cas de maladie.
Chris :
Pouvez-vous nous parler du système de surveillance des maladies professionnelles (SSMP)?
Paul Demers :
Il s'agit du plus important programme de surveillance des maladies professionnelles au Canada et, en fait, de l'un des plus importants au monde. Il relie les dossiers de près de 2,3 millions de personnes en Ontario à l'ensemble des dossiers médicaux électroniques de la province. Grâce à ce système, nous sommes en mesure d'examiner le risque de maladie dans des centaines de professions et d'industries différentes. Il s'agit vraiment d'un très grand système à cet égard. Et il nous donne le pouvoir d'examiner des dizaines de types de cancers et de maladies chroniques. Par exemple, tout récemment, nous avons commencé à examiner les schémas en matière de méfaits liés aux opioïdes ainsi que les infections et les hospitalisations liées à la COVID‑19. Ainsi, le système nous donne vraiment la possibilité d'examiner un large éventail de questions de santé importantes.
Chris :
Pourquoi a-t-il été créé?
Paul Demers :
Nous en savons beaucoup sur les maladies professionnelles grâce à des études menées dans le monde entier, mais cela ne nous renseigne pas vraiment sur la situation ici en Ontario ou dans des régions précises.
Nous avons créé le SSMP pour générer les données qui permettent d'axer les efforts de prévention sur les groupes à haut risque et également pour soutenir l'indemnisation des travailleurs. Vraiment. Nous l'avons créé parce que les chiffres peuvent être un outil puissant pour conduire le changement dans ces domaines, mais ces outils fonctionnent beaucoup mieux lorsqu'ils sont vraiment axés sur la population qui nous préoccupe réellement.
Chris :
Qu'ont révélé les données de surveillance?
Paul Demers :
Eh bien, nous voyons certainement beaucoup de choses : beaucoup de choses auxquelles nous nous attendions, comme l'augmentation des risques de cancer du poumon dans la construction, les mines et le camionnage, dans des contextes où nous l'avons vu auparavant à cause de l'exposition à l'amiante ou aux gaz d'échappement des moteurs diesel, ou à la silice cristalline.
Nous observons également des maladies pulmonaires obstructives chroniques dans une grande variété d'industries où il y a une exposition aux fibres de poussière et aux fumées. Nous sommes aussi en mesure de nous pencher sur des industries plus petites, comme la boulangerie, qui présente des risques accrus d'asthme et de dermatite en raison de l'exposition à la farine et à d'autres substances similaires.
Cependant, nous sommes également en mesure d'examiner d'autres groupes pour lesquels nous ne connaissons pas nécessairement les risques. Et nous constatons des choses que nous n'aurions pas nécessairement soupçonnées : par exemple un risque accru de cancer du sein chez les hommes et les femmes travaillant dans le secteur de la santé, un risque accru de maladies liées à l'amiante chez les travailleurs des services éducatifs ou encore un risque accru d'asthme et de dermatite chez les personnes exposées aux produits de nettoyage sur le lieu de travail.
Chris :
Les renseignements que vous avez recueillis sont-ils applicables aux autres provinces et territoires ou seulement à l'Ontario?
Paul Demers :
Eh bien, ces renseignements sont réellement applicables à tout endroit où les conditions de travail sont semblables à celles de l'Ontario, donc certainement au reste du Canada, et probablement aux États-Unis et à de nombreux autres pays du monde. Cependant, je pense qu'il est bon, lorsque c'est possible, de générer des données locales, raison pour laquelle nous avons mis au point ce système de surveillance ici, bien que les renseignements aient certainement une portée plus large et que nous publiions nos résultats dans des revues qui sont lues dans le monde entier.
Chris :
Est-il prévu d'inclure d'autres provinces et territoires?
Paul Demers :
Oui, juste avant la pandémie de COVID‑19, nous avons réuni des groupes de tout le Canada pour discuter de la manière dont nous pourrions améliorer la surveillance des maladies professionnelles. Un projet pilote est en cours à l'Université du Manitoba, et des chercheurs avec lesquels nous travaillons étroitement à l'Université de la Colombie-Britannique tentent également de lancer un projet dans cette province.
Cela nous permettra vraiment d'examiner certaines industries qui sont peut-être uniques à une région particulière ou d'une plus grande envergure ailleurs. Par exemple, nous n'avons pas une grande industrie de la pêche ici en Ontario, mais elle est présente en Colombie-Britannique. De plus, des domaines comme l'agriculture et l'exploitation minière varient d'une province à l'autre puisque les cultures récoltées ou les ressources exploitées sont différentes. Il est donc utile d'avoir des projets dans d'autres régions du Canada.
Chris :
Qui est le public cible?
Paul Demers :
Le public cible est vraiment très large et va des personnes travaillant dans les organismes de réglementation ou d'indemnisation, aux personnes travaillant dans les organisations de santé et de sécurité, en passant par les représentants des syndicats et des employeurs. Il inclut même les défenseurs de la santé et de la sécurité, les prestataires de soins de santé et d'autres intervenants. Les données que nous produisons sont librement accessibles à tous ceux qui sont intéressés, y compris les travailleurs concernés. Mais nous espérons également que ces données parviendront à des personnes capables de générer un réel changement en milieu de travail et qu'elles les utiliseront. Nous voulons vraiment que ces données soient utilisées pour la prévention et l'indemnisation et pour améliorer les choses dans ces domaines.
Chris :
Y a-t-il autre chose que vous aimeriez nous dire aujourd'hui à propos des maladies professionnelles?
Paul Demers :
Eh bien, j'aimerais dire qu'à l'heure actuelle, seulement 5 % des maladies professionnelles sont reconnues par les médecins ou le système d'indemnisation des accidents du travail. Il y a un intérêt croissant à travers le Canada pour la prévention des maladies professionnelles parce que ces 5 % à eux seuls nous permettent de constater à quel point c'est important. Mais notre objectif est d'accroître la sensibilisation à ce sujet, de faire reconnaître de plus en plus qu'il s'agit d'un problème majeur et, espérons-le, de susciter des changements. Je pense donc que c'est un domaine d'action prioritaire.
Chris :
Merci beaucoup, professeur Demers.
Pour de plus amples renseignements sur les maladies professionnelles et le système de surveillance des maladies professionnelles, veuillez visiter le site Web (en anglais) www.occupationalcancer.ca.
Vous trouverez également de plus amples renseignements sur le site Web www.cchst.ca en cherchant « maladie professionnelle ».
Merci de votre attention.