« Creating Inclusive Workplaces for Trans and Non-Binary Workers »
Introduction : Ce balado est une présentation du Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail.
Le CCHST se situe sur le territoire traditionnel des Ériés, des Neutres, des Hurons-Wendats, des Haudenosaunee et des Mississaugas. Ce territoire est visé par le Pacte de la ceinture wampum faisant référence au concept du « bol à une seule cuillère », qui est un accord entre les Haudenosaunee et la Nation des Anishinabek visant à partager les ressources autour des Grands Lacs. Nous reconnaissons également que ce territoire est régi en vertu du traité Achat entre les lacs de 1792 entre la Couronne et la Première Nation des Première nation des Mississaugas de Credit.
Ashley : Bonjour et bienvenue à De la SST pour emporter!, un balado du CCHST.
Aujourd’hui, nous recevons Dani Gomez Ortega, championne de la diversité et de l’inclusion. Dani sera l’une de nos conférencières au forum sur l’évolution du monde du travail cette année à Halifax et nous sommes ravis de vous donner un aperçu de ce que les délégués apprendront dans sa séance, « Créer des milieux de travail sûrs et inclusifs pour les personnes transgenres et non binaires ». L’expérience de Dani dans le domaine comprend son rôle actuel chez McCain Foods en tant que gestionnaire principale de la diversité, de l’équité et de l’inclusion à l’échelle mondiale, ainsi que des postes chez Loblaws et à l’Université Ryerson. Dani, merci d’être notre invitée aujourd’hui.
Dani : Merci beaucoup de m’avoir invitée, Ashley.
Ashley : Alors, parleznous un peu de ce qui vous a menée à ce parcours professionnel.
Dani : Oui, bien sûr. Comme beaucoup de personnes qui travaillent aujourd’hui dans le domaine de la diversité, de l’équité et de l’inclusion, j’ai commencé par travailler sur le sujet bénévolement. J’ai commencé à travailler làdessus gratuitement, en marge de mon travail.
Quand je suis sortie du placard pour la première fois, j’étais dans une famille très conservatrice, et ma famille avait besoin de soutien. Elle s’est donc adressée à un organisme appelé Toronto pflag, où elle a pu compter sur le soutien d’autres parents. Ainsi, une fois que j’ai obtenu le soutien dont j’avais besoin, j’ai commencé à faire du bénévolat dans cet organisme. J’ai commencé à coanimer des groupes de soutien pour les parents, puis des présentations sur la diversité dans des écoles, et j’ai aussi rejoint leur conseil d’administration.
À la même époque, j’ai commencé à jouer un rôle très actif pour animer des groupes de ressources pour les employeurs sur mon lieu de travail, où j’étais rémunérée, et lorsque j’ai accédé à un poste de direction, c’est vraiment là que j’ai pu commencer à utiliser une optique de diversité et d’équité dans mes fonctions officielles.
À ce momentlà, mon rôle était vraiment axé sur les étudiants. Au lieu de me demander : comment pouvonsnous aider les étudiants? J’ai cherché à comprendre comment aider les étudiants historiquement laissés pour compte, par exemple les étudiants autochtones, les étudiants noirs, les étudiants LGBTQ. C’est à cette époque, alors que je commençais à travailler sur la diversité dans le cadre de mon emploi, que j’ai vu apparaître un peu partout des emplois en diversité et inclusion à la suite du meurtre de George Floyd. Quand j’ai commencé à voir ces emplois, je me suis dit : wow, des gens sont payés pour faire ce travail bénévole? C’est génial. J’aimerais être payée pour faire ce que je fais gratuitement. J’ai donc postulé pour différents postes en diversité et inclusion, et vous connaissez la suite.
Ashley : Génial. Merci de nous avoir raconté votre expérience. À votre avis, quels sont les plus grands défis auxquels sont confrontés les employés transgenres et non binaires dans le monde du travail aujourd’hui?
Dani : Malheureusement, il y en a beaucoup et même si j’aimerais que les choses s’améliorent, je dirais que nous sommes en train de régresser un peu.
Le premier problème concerne les papiers d’identité, qui souvent ne reflètent pas qui nous sommes aujourd’hui. Par exemple, sur mon passeport, c’est mon ancien nom, ou « morinom », qui apparaît. Pour les personnes qui ne savent pas ce qu’est un morinom, c’est le nom qu’une personne transgenre portait auparavant et auquel elle ne s’identifie plus. Aussi, sur mon passeport, j’ai une barbe alors que je n’en ai pas aujourd’hui, et lorsque je dois montrer ma carte d’identité, ça crée des problèmes au point où l’on m’a déjà refusé l’entrée dans un bâtiment parce qu’une personne pensait que j’avais volé la carte d’identité, alors que je travaillais dans ce bâtiment.
La question des pièces d’identité est donc très importante et vous vous dites peutêtre, mais Dani, pourquoi les gens ne changentils pas tout simplement leurs papiers? Imaginez devoir changer votre passeport en ce moment. Le processus est laborieux. C’est coûteux, c’est compliqué. À titre d’exemple, j’ai entamé depuis novembre dernier le processus pour changer de nom et j’attends toujours que le gouvernement me réponde pour savoir s’il approuve mon changement de nom avant de faire les démarches pour les autres pièces d’identité.
Ce serait donc le premier élément. Ensuite, le simple fait d’être embauché est un obstacle énorme, énorme, énorme pour les personnes transgenres. Les personnes transgenres sont quatre fois plus susceptibles d’avoir un revenu de 10 000 dollars ou moins, même si 40 % d’entre nous avons un diplôme. Nous vivons donc à la limite ou en dessous du seuil de pauvreté. En même temps, nous sommes exclus de certains emplois en raison de qui nous sommes. Ainsi, en Ontario, lors d’un sondage, 50 % des personnes transgenres ont affirmé qu’elles pensent avoir été écartées d’un emploi en raison de leur identité. Il faut souligner que c’est aussi un problème de recrutement. Beaucoup d’entre nous refusent des emplois faute de s’y sentir en sécurité. Dix-sept pour cent d’entre nous ont refusé un emploi. Ainsi, le simple fait d’être embauché est déjà difficile.
Les soins de santé posent également des défis. Vous vous demandez peutêtre quel est le rapport entre les soins de santé et le milieu de travail. Eh bien, lorsque vos employés tombent malades, vous leur dites d’aller voir un médecin. Et de prendre congé. Vous leur demandez de vous fournir un certificat médical. Eh bien, c’est important de comprendre que les personnes transgenres ou non binaires – et c’est le cas de 40 % d’entre nous – ont été ridiculisées, ont eu peur ou ont fait l’objet de discrimination de la part d’un médecin.
Vingt-et-un pour cent d’entre nous ne vont pas aux urgences par peur du ridicule, parce que 10 % d’entre nous se sont vu refuser des soins. Ainsi, obtenir un certificat médical, aller voir un médecin pour qu’il vous aide, c’est un défi. Il y a aussi la question de la sécurité et du public. Les deux tiers des personnes transgenres et non binaires évitent les espaces publics, et 97 % ayant été confrontées à la violence au moins une fois évitent les espaces publics. Il faut aussi savoir que plus de 50 % d’entre nous évitent d’utiliser les toilettes publiques. Lorsque je prends le train pour me rendre au travail, c’est un espace public qui me rend souvent nerveuse parce que j’ai peur d’être harcelée. Sur le lieu de travail, je suis généralement nerveuse, même si mon lieu de travail est très, très, très, très inclusif en ce moment, je crains toujours d’offenser quelqu’un par ma présence ou de subir de la violence ou du harcèlement.
En ce qui concerne les salles de bain, c’est particulièrement difficile parce que je m’identifie comme une femme transgenre, mais souvent je ne sais pas dans quelles toilettes aller. Estce que je devrais aller dans les toilettes pour hommes, où de nombreuses personnes disent que je devrais aller? Ou doisje aller dans les toilettes pour femmes, comme j’en ai le droit? Mais une femme cis pourrait appeler la police en raison de ma présence. Ainsi, le simple fait d’aller aux toilettes représente un défi et nécessite plusieurs calculs en matière de sécurité.
Il y a aussi la question de la discrimination en matière de logement. Là encore, vous vous demandez peutêtre quel est le rapport entre la discrimination en matière de logement et le travail. Eh bien, si certains de vos employés étaient sansabri, vous voudriez probablement le savoir, non? De nombreuses personnes transgenres sont en situation d’itinérance. Je n’ai que 30 ans et j’ai été sansabri deux fois, et devinez quoi? Oui, j’ai dû aller travailler le lendemain, malgré tout. Il est primordial d’être conscient de cette situation et de son effet sur la santé des employés. On parle ici de violence ciblée, et rappelonsnous que lorsque quelque chose tourne mal, on appelle la police. Les personnes transgenres n’ont pas ce luxe, car environ un quart d’entre elles ont été harcelées par la police. Ainsi, quand il est question de sécurité et de la police, il y a un profond sentiment de méfiance et de peur à cause de la discrimination policière.
Finalement, le dernier point, mais non le moindre, est l’homophobie, la transphobie, et autres, dans les relations interpersonnelles. Il est très, très, très, très important de savoir qu’au cours des deux dernières années, les crimes haineux contre la communauté LGBT ont augmenté de plus de 60 % au Canada. Une politicienne de l’Alberta qui vient d’être élue a même comparé les jeunes transgenres à des matières fécales. Un parti politique a adopté une plateforme antitrans et 96 % d’entre nous ont entendu dire qu’ils n’étaient pas « normaux ».
Ce sont donc des choses que nous entendons constamment dans notre milieu de travail. Il faut souligner que lorsque ce type de propos circulent au travail, on les considère comme des blagues, mais il faudrait les reconnaître pour ce qu’ils sont, c’estàdire du harcèlement, n’estce pas? Et pourtant, on reconnaît rarement qu’il s’agit de harcèlement. Les gens nous attribuent volontairement un autre genre en utilisant les mauvais pronoms ou les mauvais noms, et cela est traité avec beaucoup de légèreté, alors qu’il s’agit purement et simplement de harcèlement.
Je me permets aussi de souligner que certains milieux de travail au Canada ont été condamnés à une amende de 30 000 dollars pour ne pas avoir respecté les pronoms d’une personne transgenre. Il s’agit donc de questions juridiques.
Ashley : C’est une question de droits de la personne.
Dani : Oui, c’est une question de droits de la personne. Exactement, et où estce que ça nous mène, nous les personnes trans? Où estce que ça nous mène? Ça nous mène à l’automutilation, à l’abus de drogues et à des taux de suicide élevés. Toutefois, les personnes, les individus, peuvent faire la différence entre la vie et la mort pour les personnes transgenres. La présence d’une personne de confiance dans la vie d’une personne transgenre réduit les tentatives de suicide de 40 %. Je vais le répéter parce que c’est important : le fait pour une personne transgenre de compter sur le soutien d’une personne diminue les tentatives de suicide de 40 %. Ainsi, quand on parle d’inclusion des personnes transgenres dans le milieu de travail, l’enjeu, ce n’est pas d’être politiquement correct. Ce n’est même pas une question de gentillesse. C’est une question de survie.
Ashley : Merci pour tout ça. Que diriezvous? Quelles sont les mesures qui devraient être prises en premier lieu par les employeurs pour rendre le milieu de travail plus accueillant et plus inclusif pour tout le monde? Et comment les collègues peuventils aider? Étant donné que le simple fait d’avoir un ami au travail a un impact énorme.
Dani : Oui. Je dirais que la première étape pour tout milieu de travail, toute personne, est l’éducation, n’estce pas? En général, nous n’apprenons rien sur les personnes transgenres à l’école ou à l’université, et ce que nous apprenons dans les médias est souvent inexact. Beaucoup de craintes au sujet des personnes transgenres sont fondées sur des « fausses nouvelles », à défaut d’un meilleur terme. La première chose, c’est donc l’éducation : il faut sensibiliser les gens de tous les milieux de travail à l’existence des personnes transgenres et non binaires. Les gens doivent savoir que nous avons des droits reconnus par la loi, et il serait utile que tous les employés sachent comment réagir lorsqu’une personne révèle publiquement son identité de genre ou son orientation sexuelle, car il s’agit d’un moment clé dans la vie d’une personne.
Ensuite, les milieux de travail doivent examiner attentivement leurs pratiques et se demander quels sont les processus qui nuisent aux personnes transgenres et non binaires, quels sont les processus qui leur font du tort. Les toilettes, par exemple, seraient un point à examiner. Quand il y a des toilettes pour hommes et pour femmes, mais qu’il n’y a pas de toilettes pour les personnes ayant une autre identité de genre. Ça pourrait être un moyen simple de rendre la vie des personnes transgenres un peu plus facile. Peutêtre exigezvous que les gens présentent une pièce d’identité pour entrer dans le bâtiment. Eh bien, ce serait peutêtre une bonne idée de revoir cette façon de faire, et de voir s’il y a d’autres moyens de confirmer l’identité d’une personne avant qu’elle n’entre dans le bâtiment. Peutêtre que dans vos systèmes, vous affichez l’ancien nom d’une personne au lieu du nom qu’elle a choisi. Et pour une personne transgenre, l’utilisation de son ancien nom est une chose très, très, très douloureuse.
Là encore, il est très important que l’organisation se penche sur ses pratiques et se demande quels sont les processus qui nuisent aux personnes transgenres. Et si vous n’avez pas les connaissances nécessaires pour vous poser cette question, travaillez avec les personnes transgenres qui font partie de votre organisation, travaillez avec des groupes comme Fierté au travail Canada, qui peuvent vous aider à faire une évaluation approfondie des processus qui causent des préjudices, notamment. Sur le plan individuel, faites preuve de gentillesse à l’égard des personnes transgenres et non binaires qui vous entourent. Ce que j’observe souvent, c’est que les personnes transgenres et non binaires, en particulier lorsqu’elles sortent du placard, sont traitées comme si elles étaient malades ou comme si quelque chose n’allait pas chez elles, et que tout le monde les évite, ce qui entraîne un réel isolement. Je conseillerais simplement de faire preuve de gentillesse, de demander aux gens comment se passe leur journée, de les complimenter sur leur coiffure! Le simple fait de se montrer amical fait beaucoup de bien.
Ashley : Une situation que j’ai constatée, parfois, dans les conversations sur l’inclusion, c’est que les gens disent qu’ils craignent d’utiliser les mauvais pronoms ou la mauvaise terminologie, et qu’ils ne veulent pas causer de préjudices. Ils évitent donc peutêtre complètement les conversations. Comment surmonter cette crainte?
Dani : Merci pour cette question. C’est une très, très, très, très bonne question. Le fait d’agir en allié, c’est d’être présent, de manière imparfaite sans doute, mais d’être présent. Si vous voulez être un allié pour une communauté, il vous faut reconnaître qu’il est préférable d’être imparfait plutôt que de ne pas être présent du tout. En ce moment en particulier, les personnes transgenres et non binaires ont besoin de votre soutien. Même si c’est un soutien imparfait : tout le monde fait des erreurs. Par exemple, il m’arrive de me tromper en utilisant les pronoms des gens, vous savez? Vous allez vous tromper, c’est inévitable. Ça fait partie du rôle d’allié : le rôle d’allié implique d’accepter de se tromper. Et quand on se trompe, la chose la plus importante à faire est de s’excuser et d’essayer d’apprendre. Par exemple, si vous vous trompez sur le genre d’une personne, dites « Oh, je m’excuse ». Corrigez le tir et tâchez de faire mieux la prochaine fois. Par contre, évitez de faire comme si rien ne s’était passé, sous prétexte que vous n’avez pas envie de parler du fait que c’est difficile de dire ce qu’il faut en tout temps, n’estce pas? Ce n’est pas à propos de vous.
Et enfin, évitez aussi de réagir de manière exagérée en disant quelque chose comme « Je suis vraiment désolé d’avoir fait cette erreur. Je ne suis pas une mauvaise personne, je vous le promets, pardonnezmoi. » Car ce qui se passe alors, c’est que la personne va finir par devoir vous réconforter, et ce n’est pas le but…
Ashley : En quelque sorte, prendre en charge le travail émotionnel…
Dani : Oui, exactement. La personne devra veiller à votre bienêtre, plutôt que l’inverse. Encore une fois, vous allez faire des erreurs. C’est inévitable. Ce qui est important, c’est de l’accepter. Présentez vos excuses. Et essayez de vous améliorer.
Ashley : Dani, y atil autre chose que vous aimeriez partager avec nos auditeurs?
Dani : Je voudrais simplement souligner une fois de plus que les individus peuvent faire la différence entre la vie et la mort pour les personnes transgenres. Je ne peux pas vous dire combien de personnes nous perdons chaque jour au travail, dans la communauté, parce qu’elles sont activement exclues de la société. Encore une fois, en faisant preuve d’inclusion, vous pouvez garder les gens autour de vous en vie. L’inclusion des personnes transgenres et non binaires n’a rien à voir avec le fait d’être politiquement correct ou avec la gentillesse. L’enjeu est vraiment de garder les gens en vie.
Ashley : Je suis très heureuse d’avoir pu vous parler aujourd’hui, Dani. Merci de vous être jointe à nous.
Vous trouverez d’autres ressources pour créer des milieux de travail psychologiquement sûrs et inclusifs sur notre site Web cchst point ca.
Merci de nous avoir écoutées.