Rompre le cycle de l’intimidation au travail

Introduction : Ce balado est une présentation du Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail.
Le CCHST se situe sur le territoire traditionnel des Ériés, des Neutres, des Hurons-Wendats, des Haudenosaunee et des Mississaugas. Ce territoire est visé par le Pacte de la ceinture wampum faisant référence au concept du « bol à une seule cuillère », qui est un accord entre les Haudenosaunee et la Nation des Anishinabek visant à partager les ressources autour des Grands Lacs. Nous reconnaissons également que ce territoire est régi en vertu du traité Achat entre les lacs de 1792 entre la Couronne et la Première Nation des Premières nations des Mississaugas de Credit.

Raymond : Bonjour et bienvenue à De la SST pour emporter!, une présentation du Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail.

Malgré des discussions de plus en plus nombreuses sur la violence et le harcèlement en milieu de travail au pays, l’intimidation demeure un problème pour de nombreux travailleurs canadiens. Une étude récente sur le sujet révèle que 71,4 % des personnes interrogées avaient subi au moins une forme de harcèlement ou de violence au travail au cours de l’année précédente. Pour en savoir plus sur ce problème et sur la façon dont les employeurs et les syndicats s’y attaquent, nous accueillons Andréane Chénier, représentante nationale en santé et sécurité au Syndicat canadien de la fonction publique.

Merci de vous joindre à nous aujourd’hui, Madame Chénier!

Andréane : Merci beaucoup de l’invitation. Je suis heureuse de pouvoir partager comment le personnel de santé-sécurité du SCFP attaque ces types de problèmes là.

Je suis heureuse de me joindre à vous de N’Swakamok, la place aux trois fourches, qui est aussi connue comme la Ville du Grand Surburry, qui est située sur les terres traditionnelles des Atikameksheng Anishnawbek et de la Première Nation de Wahnapitae.

Raymond : Parlons brièvement des comportements qui constituent de l’intimidation au travail. Selon la documentation du Centre, l’intimidation désigne les agissements ou les propos susceptibles de causer du tort psychologique à une personne ou de l’isoler en milieu de travail. Elle se manifeste habituellement par une série de comportements visant à intimider, à blesser, à dénigrer ou à humilier une personne ou un groupe de personnes. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?

Quels types de comportements rencontrez-vous dans votre travail avec les membres?

Andréane : C’est une bonne question. Une des choses qu’on voit souvent, nous autres, c’est qu’il y a beaucoup de gens qui commencent à passer beaucoup de temps à essayer de déceler est-ce que ce comportement-ci est correct, est-ce que ce comportement-là est correct, et puis vraiment, ce qu’on manque souvent, c’est l’impact sur la personne qui reçoit ce type de comportement là. Parce que le problème de santé-sécurité va se retrouver dans l’impact que la personne qui reçoit le commentaire– c’est l’impact qui est important.

Alors vraiment, quand on commence à regarder la façon dont on interagit dans le milieu de travail, de plus en plus ça devient une question de comment respecter les gens avec qui on travaille.

Ça devient quelque chose de vraiment important quand on considère la diversité des gens qu’on va retrouver dans le milieu de travail, qui peuvent avoir toutes sortes d’identités qui sont différentes de ce que nous on pourrait concevoir. Vraiment, c’est cette idée de regarder ce qui se passe avec l’autre, avec qui on interagit. Ça, c’est une chose qui est vraiment, vraiment importante, parce que c’est là où on va trouver vraiment quand il y a des problèmes; c’est là où le problème va se situer.

Puis, souvent quand on– un des problèmes que nous autres on voit le plus souvent, qui est vraiment problématique, c’est la formation des cliques. Quand on se retrouve là– dès que tu as une clique dans un milieu de travail, tu vas te retrouver avec des gens qui sont comme « in » et après ça tu as des gens qui sont comme « out ». Dans ce style de dynamique là, tu vas avoir beaucoup de tensions qui vont être capables de se bâtir, et quelque chose qui aurait pu commencer comme un conflit devient maintenant un dossier de harcèlement.

Raymond : Oh, wow. Et quelles sont les responsabilités des employeurs dans la création d’un milieu de travail qui favorise la sécurité psychologique des employés et qui est exempt d’intimidation?

Andréane : Moi, je suis une spécialiste en santé-sécurité, alors j’attaque toujours n’importe quel problème dans cette optique-là. Dans les lois sur la santé-sécurité, il y a une obligation de l’employeur, qu’on appelle « l’obligation générale », qui est de donner un travail qui est sain et sécuritaire. Et puis, plus on est capables de faire une connexion entre le travail et les choses qui les rendent malades, plus on est capables de démontrer l’obligation de l’employeur d’interagir– ou, d’intervenir.

On sait que le « bullying », c’est un comportement qui peut mener à différents problèmes de santé mentale. Dès que ça arrive, il y a les lois sur les relations de travail, il y a les systèmes d’indemnisation, maintenant, qui commencent à offrir des prestations pour les problèmes de santé mentale comme le syndrome du choc post-traumatique, comme la dépression chronique, quand ils sont causés par le travail. Il y a aussi les droits de la personne qui entrent là-dedans, qui créent une obligation pour l’employeur d’agir quand il y a quelque chose qui se passe dans le milieu de travail.

Raymond : Quels sont les moyens novateurs mis en œuvre par les organisations pour s’attaquer à ce problème?

Andréane : Les organismes qui attaquent ce type de problèmes là, effectivement, sont généralement des– ils ont des choses en commun. Généralement, ils vont avoir de la supervision sur le site, mais, de plus en plus, on se retrouve avec le superviseur qui n’est pas là, qui est à quelque part d’autre, pour des charges de travail, pour toutes sortes de raisons… Les gens ont des outils pour la résolution de conflits. Il y a des plans de prévention pour les risques psychosociaux, ça, il y a toutes sortes de différentes façons de les évaluer.

Ils travaillent et ils investissent dans la résilience organisationnelle, pas juste dans la résilience de l’individu, parce que souvent quand on parle de résilience de l’individu, on va parler de méditation et de « est-ce que tu manges bien », qui sont des choses qui sont importantes, mais pas aussi importantes dans la santé globale de tous les travailleurs que la résilience organisationnelle.

Après ça, une autre chose, c’est qu’ils ont souvent accès à leurs programmes d’assistance aux employés et à leur famille. Généralement, il va y avoir des provisions là-dedans qui vont permettre à un travailleur qui se retrouve à avoir des défis, à être capable de prendre le temps pour être capable de se rétablir.

Raymond : Y a-t-il des différences majeures dans la façon dont une petite organisation et une grande organisation abordent ce problème?

Andréane : Oui. Généralement, ça va s’en tenir à la taille. Quand tu es une petite entreprise, généralement, tu vas avoir moins d’accès à l’expertise et aux ressources qu’une grosse boîte va avoir, mais d’un autre côté, par exemple, tu as plus de chances de connaître tes travailleurs, de connaître la dynamique de ce qui est en train de se passer dans ton milieu de travail, et d’être en mesure d’interagir plus vite.

Quand tu te retrouves dans une grosse boîte, il y a généralement beaucoup plus de ressources et d’expertise, mais, parce que c’est une grosse boîte, généralement ils sont aussi décentralisés– non, pardon, ils sont aussi centralisés. Les ressources sont peut-être disponibles, mais elles ne sont pas sur le site. Alors tu te retrouves à avoir un organisme, dans ce contexte-là, qui n’aura pas nécessairement le pouls de ce qui se passe sur le plancher de travail quand les travailleurs travaillent. Alors ça, ça fait une grosse différence dans la façon que tu vas être capable d’interagir.

Pour les petites boîtes, après ça– les grosses boîtes les utilisent aussi, mais pour les petites boîtes, les petites organisations, tu vas te retrouver aussi à avoir une dépendance pour aller chercher cette expertise-là à l’extérieur. C’est là où tu vas avoir des organismes comme le Centre canadien pour l’hygiène et la santé au travail, comme les organismes de santé-sécurité de la province. Moi, je viens de l’Ontario, alors pour nous autres on aurait l’Association de santé-sécurité pour les services publics, il y aurait le Centre de santé des travailleurs de l’Ontario. Il y a des organismes avec qui une petite boîte va être capable d’interagir pour être capable d’aller chercher l’expertise manquante.

Souvent, les grosses boîtes vont se retrouver à interagir avec ces places-là aussi parce que le « bullying », la santé mentale, ces types de problèmes là, c’est le type de problèmes où il y a tendance à avoir moins d’expertise.

Raymond : Que souhaiteriez-vous que les employeurs fassent davantage pour réduire les cas de harcèlement et de violence?

Andréane : On traite le harcèlement et la violence un petit peu différemment dans la façon qu’on va intervenir, mais généralement, moi, je voudrais voir des superviseurs qui sont formés, des gérants qui– de la supervision qui est formée sur le site. Que tous les gens dans le milieu de travail aient des compétences de résolution de conflits. Pour ça, je parle de l’employé, du superviseur, du gérant, comme, toute la chaîne, parce que c’est là où on est capable de commencer le travail de prévention du harcèlement et du « bullying ».

L’évaluation et le contrôle des risques psychosociaux, parce qu’on le sait, si tu ne fais pas ces choses-là, ton milieu de travail a beaucoup plus de chances de devenir toxique. L’évaluation et le contrôle des risques de violence, parce que le « bullying » et le harcèlement, ce sont deux comportements offensifs qui ont un impact direct sur la santé mentale. Et puis après ça, ce sont des solutions pour promouvoir et protéger la santé mentale dans le travail. 

Raymond : Y a-t-il autre chose que vous aimeriez faire savoir à nos auditeurs?

Andréane : Oui! Un programme de prévention et de contrôle des risques psychosociaux, c’est honnêtement le meilleur investissement qu’un organisme peut faire, parce que ça protège la santé mentale et ça coûte moins cher que d’être obligé de régler les problèmes qui viennent après. Ça rend l’organisation plus attrayante, ça augmente la rétention, la créativité, la productivité et la résilience des employés, ça diminue le risque pour l’organisation dû à la pénurie de personnel. On le sait, là, il y a des problèmes de rétention du personnel qualifié.

Alors, chaque fois qu’on investit cet argent-là dans notre organisme, dans nos travailleurs, on se retrouve à avoir un retour qui est beaucoup plus que le dollar qu’on a mis, des fois de deux, et j’ai vu des recherches qui vont jusqu’à dix fois le montant d’investissement.

En plus de ça, il y a plein d’outils gratuits comme le StressAssess de la Clinique pour l’évaluation des risques. Si un organisme cherche à trouver comment implanter des solutions ou créer un programme de risque– pour contrôler les risques psychosociaux, la norme canadienne, la Z-1003, est un excellent exemple de ce qu’un programme de ce type devrait avoir.  

Raymond : Ce fut un plaisir d’échanger avec vous aujourd’hui, Madame Chénier. Les auditeurs trouveront d’autres ressources sur l’intimidation en milieu de travail sur notre site Web, au CCHST.ca.

Merci d’avoir été des nôtres!

Andréane : Merci beaucoup.