Balado du CCHST : Comment l’utilisation d’un langage clair améliore la santé et la sécurité au travail
Intro: Ce balado est une présentation du Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail.
Le CCHST se situe sur le territoire traditionnel des Ériés, des Neutres, des Hurons-Wendats, des Haudenosaunee et des Mississaugas. Ce territoire est visé par le Pacte de la ceinture wampum faisant référence au concept du « bol à une seule cuillère », qui est un accord entre les Haudenosaunee et la Nation des Anishinabek visant à partager les ressources autour des Grands Lacs. Nous reconnaissons également que ce territoire est régi en vertu du traité Achat entre les lacs de 1792 entre la Couronne et la Première Nation des Premières nations des Mississaugas de Credit.
Elaine : Bonjour et bienvenue à la balado De la SST pour emporter!, une présentation du Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail de Hamilton, en Ontario.
Pour communiquer des directives en matière de santé et de sécurité au travail, il est essentiel d’être clair. Des instructions et des messages imprécis peuvent exposer les travailleurs eux-mêmes et les autres personnes à des risques. C’est là que l’utilisation d’un langage clair et simple peut être utile. Aujourd’hui, nous discutons avec Jocelyn Pletz, rédactrice et réviseure en langage clair et simple, de la façon dont le langage clair peut améliorer la santé et la sécurité au travail. Jocelyn est spécialisée dans l’élaboration de politiques, les relations de travail et les ressources humaines. Grâce à son expertise, elle travaille auprès d’organisations gouvernementales, de l’industrie privée et d’organismes sans but lucratif afin d’améliorer leurs communications.
Je vous remercie d’être avec nous aujourd’hui, Jocelyn.
Jocelyn Pletz : Merci Elaine, et merci beaucoup de m’avoir invitée et de me donner l’occasion de parler du langage clair et simple.
Avant de commencer, je tiens à souligner que je me trouve sur les terres ancestrales traditionnelles des Micmacs, désignées sous le nom de Mi’gma’gi, et qu’en tant que personne visée par un traité, je suis déterminée à favoriser la réconciliation. Je tiens également à souligner l’histoire des communautés d’ascendance africaine dans toute notre région et des nombreuses communautés africaines de la Nouvelle-Écosse.
Elaine : Super. Merci de cette précision. Pour les auditeurs qui ne connaissent pas le langage clair et simple : de quoi s’agit-il? Et pourquoi est-ce important?
Jocelyn : Le langage clair et simple, c’est du texte ou du matériel qui est rédigé et structuré de manière à ce que ce soit clair et que les lecteurs visés puissent identifier, trouver facilement ce dont ils ont besoin et comprendre ce qu’ils trouvent. Avec un peu de chance, du premier coup. Ils peuvent ensuite utiliser ces renseignements de façon appropriée.
En juin 2023, une norme ISO a été publiée, qui définit le langage clair et simple comme une communication qui met les lecteurs au premier plan, qui tient compte de ce que les lecteurs veulent et doivent savoir, et qui prend en considération le niveau d’expertise et de littératie des lecteurs et le contexte dans lequel ils utiliseront le document. Il a fallu de nombreuses années pour en arriver à cette définition normalisée, et elle met vraiment l’accent sur le fait que la rédaction et la révision en langage clair et simple consistent à structurer l’information de manière à ce que les principaux destinataires puissent la trouver, l’utiliser et agir en conséquence.
Elaine : En ce qui concerne la santé et la sécurité au travail, comment le langage clair et simple peut-il aider?
Jocelyn : Vous savez, le langage clair et simple en santé et sécurité est semblable à celui utilisé dans n’importe quelle politique de ressources humaines ou d’emploi. En prenant le temps nécessaire pour comprendre à qui on s’adresse, on rédige dans un style clair qui permet au public cible de trouver et de comprendre facilement l’information. Dans un milieu de travail sécuritaire, il est essentiel que les gens puissent trouver rapidement et facilement ce dont ils ont besoin et qu’ils puissent comprendre leur rôle, tout ce qu’ils doivent faire et la façon de travailler en toute sécurité. Et la façon d’y arriver est de rédiger des documents explicitement pour ces destinataires afin qu’ils puissent trouver l’information et la comprendre.
Elaine : Selon vous, quels sont les éléments à faire et à ne pas faire en langage clair et simple au travail?
Jocelyn : Ce qu’il faut faire, je pense, lorsqu’on écrit, c’est d’utiliser un langage clair et simple au début du processus. On doit penser à structurer ou à rédiger le document en utilisant les principes du langage clair et simple, car si on attend à la fin, ce qui arrive souvent, les praticiens du langage clair et simple recommanderaient de changer la structure, de présenter l’information dans un ordre différent, ou d’une manière différente, et il y a parfois beaucoup de réticence. En fin de compte, le document n’est pas rigoureusement rédigé en langage clair et simple. Donc, en ce qui concerne la rédaction, ce qu’il faut faire, c’est d’utiliser des mots familiers, de porter attention à la conception de l’information, de connaître, de bien connaître les destinataires. Et de comprendre leurs besoins, leur degré de littératie, les renseignements clés dont ils ont besoin plutôt que les renseignements qui sont intéressants, mais qui ne sont pas essentiels à leur compréhension. Et je pense que ce qu’il ne faut pas faire, c’est de trop simplifier ou d’abrutir le texte, car les gens pensent parfois que le langage clair et simple consiste à utiliser des mots courts et à simplifier le plus possible, mais ce n’est définitivement pas le cas. C’est vraiment d’écrire clairement. Il s’agit d’écrire de manière à ce que votre public cible puisse trouver l’information dont il a besoin, la comprendre et agir en conséquence, alors il ne faut pas simplifier à outrance. On ne doit pas abrutir le texte, ou le rendre ennuyeux ou monotone ou simpliste. Vous devez respecter votre auditoire. Vous devez vraiment savoir clairement qui est votre public et ce qui convient à ce public.
Elaine : Super. Vouliez-vous ajouter quelque chose au sujet du jargon ou des abréviations?
Jocelyn : Oui, absolument. En fait, on ne doit pas utiliser de jargon, et il faut comprendre que le jargon n’est pas courant. La définition de certains mots que vous utilisez et, dans votre milieu de travail, n’est probablement pas la même dans d’autres régions du Canada. C’est quelque chose dont je me suis rendue compte en habitant dans différentes provinces. Il faut donc éviter le jargon. Si vous utilisez des abréviations ou des sigles, et on sait que le gouvernement en utilise beaucoup, assurez-vous d’avoir expliqué ce que ces sigles signifient avant de les utiliser. Faites ensuite un retour à divers endroits dans le document.
D’autres choses à faire, en ce qui concerne la structure et la conception, si le document contient plus de quatre pages, nous recommandons d’y inclure une table des matières. Utilisez des titres significatifs, n’utilisez pas seulement Partie un, Chapitre un ou Phase un. Expliquez en quoi consiste chaque section. Utilisez une structure parallèle pour que le lecteur puisse commencer à prévoir, quand il passe à une nouvelle section, à quoi ressemblera cette nouvelle section en fonction du titre et de la structure de l’en-tête.
Essayez d’utiliser beaucoup d’espacement. Encore ici, en fonction du public à qui vous vous adressez. S’il y a beaucoup de renseignements, il est parfois plus facile de les présenter dans un tableau. Vous pouvez utiliser un tableau, mais essayez d’aider le lecteur à passer d’une rangée à l’autre en mettant un fond plus clair pour la rangée suivante ou l’autre d’après, en alternance. Pour que sur le plan visuel, le lecteur puisse facilement parcourir le document.
Lorsque vous avez une question ou que vous avez posé une question à quelqu’un, ou si quelqu’un a une question et a besoin d’une réponse, il faut toujours inscrire les renseignements les plus importants dans le haut de la page. Parfois un document, il y a un public principal et un public secondaire, puis il y a un public important, qui est parfois différent du public principal, mais chacun a des besoins différents lorsqu’il lit ce document. Si vous devez utiliser le même document, alors un seul document, plutôt que de créer un document différent pour chaque public. Vous pourriez le faire, mais le degré de détails passe de répondre au besoin du public principal à donner plus de détails à mesure que vous avancez dans le document, et ce degré de détails n’est peut-être pas nécessaire pour que le public principal comprenne. Et il se peut qu’il ne lise pas ce document.
Donc, encore une fois, une grande partie des choses à faire et à ne pas faire pour les documents en milieu de travail seront établies si on planifie l’approche de langage clair et simple dès le départ. On peut répondre aux besoins de chaque public si c’est le seul document qui doit servir de nombreux publics.
Elaine : Il semble également que le langage clair et simple contribuerait grandement à accroître l’équité, la diversité et l’inclusion au travail. Est-ce le cas?
Jocelyn : Oui, absolument. En rendant les renseignements accessibles aux gens, que ce soit en raison d’un handicap, du niveau de littératie et de lecture, ou de l’accès aux ressources ou à l’information. En fournissant l’information de la manière que vous voulez, vous comprenez les membres de votre public, vous avez pris en compte leur identité, leurs antécédents et leur culture. Il faut tenir compte de différents aspects dans la création d’un persona : l’ethnicité, la religion, l’orientation sexuelle, le genre, tout ce qui est propre au matériel que vous écrivez. Vous devez vous assurer de comprendre, et d’avoir une très bonne compréhension des besoins technologiques de votre public, de ses connaissances en informatique, de son accès à l’information. Vous savez, si vous rédigez un document et que vous vous assurez qu’il soit en ligne, mais qu’une grande partie de votre public vit dans une région où l’accès est par ligne commutée ou qu’il n’y a aucun accès à Internet, vous devez en être conscient, planifier en conséquence et avoir une façon différente de communiquer l’information.
Donc, en créant le persona, vous allez vraiment en profondeur pour comprendre cet aspect. Donc, si vous essayez de joindre un public diversifié ou de tenir compte de l’équité, de la diversité et de l’inclusion, vous créerez des personas qui ont des besoins particuliers pour ces publics particuliers afin de vous assurer que votre texte touche tous les aspects. Que vous répondez vraiment aux besoins de ce public. De cette façon, vous vous assurez que l’information et les ressources sont communiquées et que les gens y ont accès.
Une autre approche avec le langage clair et simple lors de la conception est que la conception se fait selon des normes d’accessibilité, et on s’assure pendant la conception que les technologies d’aide peuvent fonctionner avec la façon dont le document en langage clair et simple a été structuré.
Elaine : Vous avez parlé des nombreux avantages du langage clair et simple. Alors, comment les employeurs peuvent-ils commencer à apporter des changements dans leur milieu de travail?
Jocelyn : Oui. Il y a parfois un peu de réticence, simplement parce que cela prend un peu plus de temps. Pour les entreprises qui veulent avoir recours au langage clair et simple, ce que j’encourage vraiment, c’est d’avoir un leadership fort et une idée vraiment réaliste du temps et de la reconnaissance du temps qu’il faudra pour rédiger en langage clair et simple dans le milieu de travail. C’est-à-dire pour réaliser le projet. Par exemple, si on procède à une refonte complète des politiques, on doit s’assurer que les gens de la direction sont tout à fait d’accord et qu’ils appuient l’approche et qu’ils maintiendront cet appui pendant toute la durée du projet.
Étant donné que divers groupes seraient concernés, ils auraient également le soutien de la direction et il faudrait vraiment qu’ils le présentent à la direction pour s’assurer que chaque niveau au sein de l’organisation comprend l’intention du projet et l’appuie.
Il faut un échéancier précis, car dans le cas d’une refonte complète, ce n’est pas un projet de six mois, c’est un projet de dix-huit mois. Et on doit s’assurer d’avoir en place les ressources, la formation du personnel, et de comprendre très clairement ce qu’on essaie de faire. On doit s’assurer d’avoir des groupes de consultation et d’inclure les éléments clés de l’approche du langage clair et simple. C’est-à-dire des groupes de consultation, des tests, plusieurs itérations. Il s’agit donc d’un processus très itératif où on crée quelque chose, on le donne au client, on lui demande si le processus a changé le sens du document. Le document dit-il toujours ce que le client voulait dire? Le client le redonne ensuite avec ses commentaires. Et il y a plusieurs échanges comme ça.
Donc, il y a un peu plus d’échanges et de révision que dans une situation où parfois, la politique est rédigée et ensuite distribuée, et ils n’ont pas nécessairement été très clairs sur ce que cette politique tente de faire.
L’autre chose au sujet du langage clair et simple, c’est qu’on essaie vraiment, en utilisant la voix active, d’intégrer la responsabilisation dans un document. Donc, il faut préciser qui est responsable de quoi. Qui détient le pouvoir de décision final? Qui a un rôle à jouer dans chaque aspect de cette politique? Ainsi, les gens qui lisent la politique peuvent comprendre ce qu’on attend d’eux, et c’est parfois une approche un peu différente pour les employeurs.
Encore une fois, la direction doit être disposée à intégrer cette responsabilisation dans le document. Et cela prend du temps.
Elaine : Oui. Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter au sujet du langage clair et simple et de ses répercussions en milieu de travail?
Jocelyn : Vous savez, je dirais que cela améliore vraiment les relations avec les employés et avec les clients. Ça permet parfois de gagner du temps lorsque de nouveaux documents sont publiés, de nouvelles procédures et de nouvelles politiques ou de nouveaux renseignements qui ne sont pas présentés de façon claire. Les employés demandent donc plus de formation. Ils demandent une formation d’appoint. Les clients appellent pour demander une explication parce qu’ils ne comprennent pas ce que les documents publiés disent et ils [tentent] de s’y conformer, mais ils ne savent tout simplement pas comment.
En utilisant un langage clair et simple, en incluant le groupe de discussion, en tenant compte du public cible et en comprenant vraiment à qui on s’adresse et quels sont leurs besoins, on élimine tout cela. Donc, à la fin de l’exercice, on réduit la perte de temps, on accroît la conformité, on diminue les coûts. On améliore la formation, les employés ont tendance à mieux répondre, les clients répondent assurément mieux, lorsqu’ils peuvent comprendre ce qu’ils recherchent très rapidement. Je dirais donc, et je sais que j’ai un parti pris, mais cela vaut la peine de prendre le temps de le faire. Appliquer les principes, rédiger en utilisant un langage clair et simple, vraiment comprendre pour qui on écrit et ce dont les destinataires ont besoin. Parce que cela permettra d’économiser du temps et de l’argent et d’accroître la conformité à long terme.
Elaine : Ce sont tous d’excellents points.
Jocelyn, encore une fois merci d’avoir pris le temps de participer à la balado et de partager votre expertise et vos idées. Nous savons que tous les travailleurs ont le droit de savoir comment effectuer leur travail en toute sécurité, qu’ils soient nouveaux, jeunes, étrangers, expérimentés ou handicapés. Lorsque les employeurs s’engagent à utiliser un langage clair et simple, ils permettent aux travailleurs de comprendre plus facilement les procédures de santé et de sécurité et de prendre des décisions éclairées. Ils contribuent également à soutenir un milieu de travail inclusif. Le langage clair et simple s’adresse à tout le monde. Merci d’avoir été des nôtres.
Jocelyn : Merci.