Balado du CCHST : « Climate Change Impacts on Workplace Health and Safety »
Ashley : Bonjour et bienvenue au balado De la SST pour emporter! du CCHST. Dômes de chaleur, vortex polaires, rivières atmosphériques : les phénomènes météorologiques extrêmes provoqués par les changements climatiques sont de plus en plus fréquents au Canada. Il est donc logique que les répercussions des changements climatiques commencent à se faire sentir dans les milieux de travail canadiens, qui doivent en tenir compte dans leurs plans de mesures d’urgence et dans leurs programmes et leurs politiques de santé et de sécurité, notamment pour la santé mentale des travailleurs. Notre invitée du jour étudie les effets des changements climatiques sur la santé depuis un grand nombre d’années. Sarah Henderson supervise actuellement un vaste programme de recherche appliquée, de surveillance, d’application des connaissances et de formation devant appuyer les politiques et les pratiques sanitaires fondées sur des données probantes en Colombie-Britannique et dans l’ensemble du Canada. Elle est la directrice scientifique des services d’hygiène du milieu du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique et du Centre de collaboration nationale en santé environnementale, en plus d’être professeure associée à l’École de santé publique et des populations de l’Université de la Colombie-Britannique. Sarah, merci d’être avec nous aujourd’hui.
Sarah : Merci beaucoup de m’avoir invitée.
Ashley : Les données montrent clairement que les phénomènes météorologiques causés par les changements climatiques augmentent en fréquence et en gravité. Qu’est-ce que cela signifie pour la santé et la sécurité dans les milieux de travail au Canada?
Sarah : Vous avez mentionné un point fondamental dans votre introduction, parce qu’il s’agit avant tout d’une question de planification. Nous savons que les conditions météorologiques changent parce que le climat change et les variations météorologiques que nous observons sont beaucoup plus marquées qu’auparavant. Nous savons aussi, grâce aux modèles climatiques et aux observations des dernières années, de quelles façons la variabilité météorologique se manifestera. Il y a plus de feux de forêt. Les épisodes de chaleur extrême augmentent. Il y a plus de pluie, plus de neige, plus de sécheresse, plus de tout. Avec les renseignements tirés des modèles climatiques et de notre propre expérience, nous pouvons maintenant planifier comment nous gérerons ces événements quand ils se produiront, peu importe le type de milieu de travail ou encore le type de société dont il est question. Un point essentiel à savoir, c’est que les personnes, les organismes, les collectivités ou les municipalités s’en sortent mieux lorsqu’ils ont des plans pour affronter ces circonstances imprévues, mais prévisibles. Les résultats en matière de santé mentale sont meilleurs. Les résultats en matière de santé physique sont meilleurs. Les résultats structurels sont meilleurs. Bref, un grand nombre d’observations permettent d’affirmer que la planification est essentielle à la résilience face aux changements climatiques.
Ashley : C’est logique. Parlez-nous un peu de la façon dont vos travaux de recherche et de surveillance contribuent à la définition des politiques en environnement et en santé publique.
Sarah : Oui, en fait, mes activités de recherche et de surveillance ne portent pas sur les changements climatiques de façon globale. Mes domaines d’expertise sont les incendies de forêt, la fumée des feux de forêt et les épisodes de chaleur extrême. Je m’intéresse également aux conditions de froid extrême, aux inondations, aux glissements de terrain, aux autres phénomènes similaires qui se produisent davantage. Mais je vais parler en particulier des feux de forêt et de la chaleur extrême. Nous étudions depuis près de 20 ans les effets de la fumée des feux de forêt sur la santé en Colombie-Britannique et dans l’ensemble du Canada. Nous savons que la présence de fumée dans l’air l’extérieur cause une augmentation des problèmes de santé pendant l’épisode de fumée. De plus en plus de données montrent aussi que ces expositions ont des effets à long terme sur la santé. Quand les feux de forêt causent un épisode important de fumée, les personnes qui souffrent, par exemple, de maladie pulmonaire obstructive chronique peuvent subir une perte irrécupérable de leur capacité pulmonaire. Les épisodes de fumée ont un effet dévastateur dans ces populations. Nous avons constaté que le risque de démence augmente après l’exposition à la fumée des feux de forêt, et l’augmentation est encore plus marquée qu’après l’exposition à d’autres sources de pollution atmosphérique, comme la circulation automobile et les industries. Je pense que tout le travail accompli motive maintenant une certaine préparation à l’échelle de la société en prévision d’épisodes de fumée liés aux feux de forêt. On réfléchit à ce que chaque personne peut faire pour elle-même, sa maison et sa famille, et à ce que les milieux de travail peuvent faire pour protéger leurs travailleurs, à l’intérieur aussi bien qu’à l’extérieur. On cherche à voir comment les grands leviers stratégiques peuvent améliorer la protection contre l’exposition à la fumée dans l’environnement intérieur. On parle ici du Code national du bâtiment du Canada. Comment pouvons-nous construire des bâtiments qui resteront exempts de fumée pendant ces épisodes? C’est vraiment fascinant, quand on repense aux 20 dernières années, de voir l’intérêt grandissant envers la question. Les changements de ce genre prennent du temps. Mais ils se concrétisent, avec les données et les preuves nécessaires pour les faire avancer.
Ashley : En ce qui concerne les codes du bâtiment et les répercussions sur les milieux de travail, quel genre de mesures les employeurs devraient-ils prendre pour améliorer la résilience climatique du milieu de travail?
Sarah : Et bien, pour les gens qui travaillent à l’intérieur, mon meilleur conseil serait de bien connaître le bâtiment. Les bâtiments sont comme les gens. Ils ont chacun leur personnalité, les structures ne sont pas uniformes. Chaque bâtiment se comporte différemment, selon son enveloppe, sa conception et son système de chauffage, de ventilation et de climatisation. On doit en quelque sorte avoir une relation intime avec son bâtiment pour savoir comment empêcher la fumée extérieure d’y pénétrer ou comment maintenir la fraîcheur des locaux par temps chaud. D’où l’importance, à mon avis, d’avoir un comité de gestion de l’immeuble. C’est d’ailleurs ce que nous avons recommandé dans les lignes directrices récemment publiées par l’ASHRAE sur la fumée des feux de forêt. Il doit y avoir un groupe de personnes qui connaissent l’immeuble et le plan établi pour réagir à ces stresseurs environnementaux. Ce n’est pas nécessairement un travail palpitant, sauf si l’on aime les sujets assez techniques, mais c’est un travail qui contribue vraiment à renforcer la résilience face aux phénomènes météorologiques. Pour les personnes qui travaillent à l’extérieur, évidemment, c’est plus compliqué, parce que l’exposition est très différente. Aussi, leurs emplois sont souvent exigeants sur le plan physique. Les travailleurs peuvent donc être plus exposés parce qu’ils sont à l’extérieur, mais aussi en raison des efforts qu’exige leur travail. Il faut bien définir qui travaille à l’extérieur, les expositions possibles et les mesures d’atténuation à prendre au besoin. C’est une étape nécessaire pour assurer la sécurité des travailleurs.
Ashley : Tout à fait. Que peuvent faire les travailleurs pour défendre leur propre sécurité et celle de leurs collègues?
Sarah : Je pense que, dans le cas du travail effectué à l’extérieur, il peut y avoir un décalage entre les perceptions des dirigeants et la réalité vécue sur le terrain. J’encourage les travailleurs à noter ce qu’ils vivent au travail, à réfléchir aux façons dont ils pourraient atténuer les expositions, puis à collaborer avec leurs équipes de santé et de sécurité pour transmettre l’information à la direction. Vous savez, j’enseigne dans un programme de santé au travail et d’hygiène du milieu. Nous formons des hygiénistes du travail. Il existe un groupe de professionnels qui ont pour rôle de protéger les gens contre les risques associés au travail. Ils devraient vraiment être au cœur des discussions sur le sujet. On leur apprend à défendre les intérêts des travailleurs pendant leurs études. On leur apprend à travailler avec la direction pour protéger les travailleurs. Il faut les faire participer aux discussions.
Ashley : C’est logique. Et oui, de toute évidence, nous ne voulons pas que toute la responsabilité incombe aux travailleurs.
Sarah : Exactement.
Ashley : C’est l’équipe, ce sont les employeurs, ce sont les personnes qui sont désignées pour défendre leurs intérêts.
Sarah : Absolument, et je répéterais qu’à mon avis, le rôle des travailleurs devrait être de faire connaître leur réalité aux responsables de la santé et sécurité au travail, qui pourront ensuite défendre leurs intérêts auprès de la direction.
Ashley :Sarah, vous avez mentionné adorer les exercices de simulation. Parlez-nous un peu de ce qu’est un exercice de simulation.
Sarah : Je travaille dans le secteur de la santé publique et j’aide la Colombie-Britannique à se préparer aux épisodes de chaleur extrême, comme celui qui a causé de nombreux décès en 2021. Nous ne voulons plus jamais revivre ce genre de situation dans la province. C’est pourquoi, chaque année, nous faisons un exercice de simulation pour nous préparer à l’été à venir. On ne saurait trop insister sur la valeur des exercices. Le concept consiste à réunir tout le monde pour passer en revue le plan, ce qui va se produire, trouver les points à améliorer, les précisions à apporter. Il se pourrait que l’on constate que certains aspects du plan ne fonctionnent tout simplement pas. Nous nous réservons une demi-journée pour le faire. À l’occasion, j’ai participé à des exercices de simulation approfondis qui duraient quelques jours. Il est très difficile de trouver le temps nécessaire pour organiser ces activités, mais les retombées sont énormes. L’inclusion de simulations régulières dans le processus de planification est une option à envisager. En faisant comme si l’événement arrivait vraiment, on s’assure que le plan fonctionne le mieux possible avant qu’on en ait réellement besoin.
Ashley :Autrement dit, on étudie notre plan de bataille?
Sarah : Exactement. L’an passé, notre simulation d’épisode de chaleur extrême en Colombie-Britannique a porté sur un événement d’une ampleur similaire à celui de 2021, avec en même temps une panne de courant généralisée. Donc, en y réfléchissant bien, comment allons-nous gérer ensemble une situation de ce genre? Par la suite, si nous sommes confrontés à un épisode de chaleur extrême et à une panne de courant généralisée, nous nous souviendrons tous de l’exercice, nous aurons les documents produits lors de l’exercice et le plan aura déjà été mis à l’épreuve jusqu’à un certain point.
Ashley : Je vois. C’est utile. Merci. Merci beaucoup d’être venue discuter avec nous. Pour en apprendre davantage sur les répercussions des changements climatiques et de nombreux autres sujets concernant les milieux de travail, visitez notre site Web, cchst.ca. Merci d’avoir été des nôtres!